dimanche 19 avril 2009

Quand les littéraires se mêlent de faire des mathématiques...

... ça donne ça.

Après avoir trouvé assez suggestif ( au départ, sans le sens auquel vous avez tout de suite pensé, bande de dépravés ! ) le titre d'une leçon que devait faire un de nos camarades mathématiciens, Nompf C218 ( moi-même, donc ) a essayé de s'y coller elle aussi, pour le plus grand bonheur des petits et des grands. Au vu des retours positifs qu'elle en a eu, elle a décidé de le mettre en ligne, parce qu'il n'y a pas de raison pour que seuls les petits et les grands du C2 en profitent.

Pour info, Sylvain ne m'avait donné que le titre, le reste est ( malheureusement ) de moi, plan inclus. Je remercie Karine pour les idées d'intro, ma maman pour celles de conclusion et Simon pour m'avoir donnée celle de bi-rapport, en essayant désespérément de m'expliquer ce qu'est vraiment une droite projective complexe.



Leçon sur les homographies de la droite projective complexe



Introduction

De tous temps, l'homme s'est posé la question des homographies de la droite projective complexe. Déjà, à la Préhistoire, certaines peintures rupestres, réinterprétées a posteriori, révèlent clairement que l'homme de Néandertal cherchait à en percer le mystère. Aristote n'en fait pourtant mention nulle part dans ce qui nous est parvenu de son oeuvre, ce qui est bien embêtant, mais pas absolument paralysant : étant donné qu'il est inconcevable que ce Grand Génie ne se soit pas penché sur un sujet aussi capital, la seule conclusion possible est que le fragment qui contenait ses vénérables réflexions a été très malencontreusement perdu(1). Le même raisonnement s'applique à Euclide, qui, lui non plus, n'a pas pu manquer d'aborder ce point, car il savait que ç'aurait été très très très embêtant pour nous s'il ne l'avait pas fait(2).
C'est donc à nous qu'il revient d'exposer en détail ce qui nous manque de ces esprits lumineux des Âges Farouches. Quelles sont les caractéristiques de la droite projective complexe ? Quelles avancées la science a-t-elle fait tout au long de leur étude ? Abordant tout d'abord les généralités, cette leçon se propose ensuite de s'enfoncer de plus en plus profondément dans la droite projective complexe, en examinant le théorème d'Ügo von Knoffelspat, puis celui de Juan Martín Hernandez Carrera.

I ) Généralités à propos de la droite projective complexe
1 ) La droite projective
a ) simple

Tous les amateurs de boxe vous le diront : la droite projective simple tire très basiquement son nom du bras qui se détend pour projeter son poing dans la figure de son adversaire. La droite projective simple se résume donc assez facilement de la façon suivante : le bras se replie sur lui-même, poing fermé, puis se détend subitement et improvisément pour aller se planter droit dans la pommette de l'adversaire(3) : elle prend alors le nom de direct.

b ) complexe

La droite projective simple ne prend cependant pas toujours la forme d'un simple direct. Elle peut en effet être accompagnée d'un certain nombre de feintes qui la rendent plus difficile à prévoir pour l'adversaire. Le boxeur peut en effet faire semblant d'utiliser sa gauche projective simple pour dérouter son vis-à-vis(4) et lui envoyer ensuite, quand l'autre s'y attendra le moins, sa droite projective devenue à présent complexe, puisque beaucoup plus difficile à prévoir.

2 ) Graphies de la droite projective complexe
a ) graphie générale

Il est dès lors assez difficile de déterminer avec exactitude toute graphie d'une droite projective complexe, étant donné qu'il faut y comprendre le nombre infini des feintes possibles. Or si la graphie d'une droite projective simple est assez facile à représenter(5), la chose se complique quand il faut y ajouter une esquive, une gauche projective simple, voire une gauche projective complexe, c'est-à-dire une droite projective simple, qui se révèle une fausse droite projective simple visant à cacher une gauche projective simple ( qui devient dès lors une gauche projective complexe, puisqu'il y a eu feinte ), qui se révèle une fausse gauche projective complexe, car visant à cacher une droite projective simple ( qui devient dès lors notre fameuse droite projective complexe, puisqu'il y a eu feinte ; si vous avez réussi à arriver au bout de ma phrase en suivant mon raisonnement, vous êtes un Génie de la Géométrie ).

b ) graphies alternatives

Il est cependant possible de mettre à jour certaines graphies alternatives de la droite projective complexe. De fait elle est parfois non seulement précédée d'une feinte, mais n'empreinte pas toujours sa trajectoire habituelle. Elle peut en effet décrire une sorte de cercle ou remonter par le bas, afin de mieux surprendre l'adversaire, au cas où il se serait rendu compte que la gauche projective simple qui semble sur le point de s'abattre sur lui n'est en fait qu'un leurre. Dans le premier cas, elle est appelée crochet, dans le second uppercut. Sa trajectoire n'est alors plus droite, mais, pour plus de clarté, on l'appelle toujours droite projective complexe, la complexité découlant, ici, du fait de ne plus être une droite.

3 ) Homographies de la droite projective complexe
a ) problèmes posés par l'application du concept d'homographie à la droite projective complexe

Il peut être intéressant d'appliquer à la droite projective complexe le concept d'homographie, puisqu'il n'est pas idiot de se demander dans quelles conditions elle pourrait avoir des trajectoires exactement identiques(6). Le problème, c'est que les variables ne cessent de changer de manière très difficile à prévoir et à évaluer : tous les boxeurs sont différents, tous les coups donnés le sont aussi parce qu'ils le sont dans des situations qui le sont elles aussi et peuvent changer d'une seconde à l'autre.

b ) conditions de réalisation

Le principal problème de réalisation d'une ou plusieurs homographies d'une droite projective complexe est le manque, voire l'absence totale, de constantes. On pourrait imaginer de remplacer tous les boxeurs par des Créatures clonées, mais ça coûterait beaucoup trop cher à l'industrie de la boxe. Il faut donc admettre qu'une droite projective complexe assénée directement est toujours un direct, quelle soit la situation où il est donné, un crochet quand sa trajectoire n'est pas droite, mais circulaire et atteint l'adversaire par le côté, et un uppercut lorsqu'elle l'atteint par dessous. Mieux vaut alors ne pas être un obsessionnel de la précision : on dort ainsi d'un sommeil plus léger.


II ) Cas particulier d'homographies de la droite projective complexe
1 ) Théorème de Ügo von Knoffelspat
a ) Ügo von Knoffelspat

Né en 1898, à Stuttgart, Ügo von Knoffelspat était, par contre, malheureusement pour lui, un obsessionnel de la précision. Artiste maudit passionné de boxe, il se met en tête, dans les années 1930, de prouver qu'il est tout à fait possible de représenter avec exactitude les différentes homographies de la droite projective complexe.

b ) conditions d'élaboration du théorème

C'était le 3 juin 1932. Von Knoffelspat, après avoir essayé pendant un bon moment de vendre des toiles représentant, entre autres, mémé Gundrun et son caniche Kiekie, entend vaguement parler d'un certain Diego Rivera et décide de se mettre, lui aussi, aux fresques monumentales. Mais il n'était pas très doué et, surtout, méchamment dans la dèche. Empruntant un jour l'escabeau branlant de grand-mère Gundrun pour atteindre la partie du mur qui était sous le plafond, il glissa, se renversa dessus son monumental pot de peinture en essayant de se rattraper, ce qui ne l'empêcha pas de tomber quand même, et laissa à terre une géniale trace de son non moins génial derrière. On dit que c'est alors qu'il eut une illumination et s'écria : « Mais oui, mais c'est bien sûr ! Si je les fais cogner dans un sac de sable avec un poing barbouillé de peinture rouge, il sera possible de comparer et d'associer les différentes trajectoires, en fonction de la trace qu'ils auront laissée ! Même trace, même trajectoire ! CQFD ! »(7)

2 ) Démonstrations du théorème
a ) première démonstration

Il vendit donc toutes ses toiles pour acheter, avec les 3,40 euros qu'il en avait tirés(8), un magnifique sac de sable de compétition(9). Il réussit ensuite à convaincre Dédé la Détente, qui habitait alors Ménilmontant en même temps que lui et se trouvait être son voisin du dessous, de plonger son poing dans un seau de peinture rouge et de taper ensuite sur le sac. Dédé y mit du coeur : en deux minutes, le sac était plein de belles traces de phalanges rouges. Il mit même un peu trop de coeur : en trois minutes, le sac était totalement couvert de peinture rouge et on ne distinguait plus de traces du tout. Ügo von Knoffelspat s'arracha les cheveux et s'écria : « Accchhh ! Himmel ! Je suis vraiment ein Artisteee mauditttt ! »

b ) deuxième démonstration

Mais, heureusement pour lui ( et pour nous ), il ne se découragea pas et décida de continuer, en faisant taper Dédé non dans un sac, mais carrément dans un mur : l'idée était que la douleur qu'il allait ressentir l'empêcherait de recommencer à taper tout de suite après, ce qui lui permettrait à lui de mesurer les taches ainsi formées. Soupçonnant son assistant de ne pas être aussi coopératif que lors de la première démonstration, il prit bien soin de le soûler au jaja et, quand il le trouva tout à fait mûr, après lui avoir à nouveau plongé le poing dans le pot de peinture, il lui ordonna de taper. Complètement abruti par sa cuite, Dédé ne fit pas dans la dentelle : le premier coup atteignit Ügo en pleine poire, mais le second, heureusement, s'écrasa contre le mur, ainsi que le deuxième, le troisième et le quatrième(10). Quand notre artiste maudit se releva en se tenant la machoire, il fut ravi du résultat, mais sa première tentative pour les mesurer et les cataloguer ne lui rapporta rien d'autre d'une gauche projective simple(11), qui fit sur son occiput exactement la même trace que le premier coup qu'il avait reçu et le mit définitivement KO. Lorsqu'il sortit de l'hôpital, deux mois plus tard, Ügo von Knoffelspat était définitivement ruiné : il refusa de poser pour un certain Pablo Picasso, qui adorait son physique à présent très torturé et décida de retourner cultiver des légumes dans la ferme de mémé Gundrun : mathématicien maudit, ce n'était vraiment pas un job pour lui.

3 ) Conclusions à en tirer
a ) à propos de la droite projective complexe

Mieux vaut ne pas être à portée d'un type complètement ivre lorsqu'il a décidé de vous refaire le portrait à coup de droites projectives, qu'elles soient simples ou complexes.

b ) à propos du concept d'homographie

Pour mesurer des homographies et les exprimer en équations, mieux vaut essayer d'éviter un certain nombre d'inconnues en choisissant comme assistant un gars sobre et pas totalement abruti.


III ) Cas très particulier d'homographie de la droite projective complexe
1 ) Théorème de Juan Martín Hernandez Carrera
a ) Juan Martín Hernandez Carrera

Né en 1949, à Valparaiso, Juan Martín Hernandez Carrera était, lui aussi, un amateur de boxe. Ou plutôt un amateur de boxeurs. Accessoirement, il étudiait aussi les mathématiques. Ayant entendu parler du théorème d'Ügo von Knoffelspat et notamment de sa notion de bi-rapport(12,) il fut littéralement fasciné par cette dernière et passa des jours et des jours à réfléchir à comment cette nouvelle donnée pouvait permettre d'en savoir plus sur le concept d'homographies de la droite projective complexe, si difficile à déterminer(13).

b ) conditions d'élaboration du théorème

C'était le 15 mai 1968. Juan Martín errait sur le port à la recherche de quelque Idée qui le rendît digne de son Génial Prédécesseur, lorsque, soudain, il rencontra Steevy McFluffy, jeune éphèbe d'origine écossaise dont le kilt ne le laissa pas indifférent. Entrant immédiatement en contact avec lui(14), il lui expliqua ce qu'était le concept d'homographies de la droite projective complexe et lui présenta son idée : pour parvenir à un bi-rapport, il fallait être deux et à peu près semblables, ce qui était leur cas ; il ne restait plus qu'à voir ce qui allait en ressortir. Steevy trouva la proposition intéressante et le suivit jusque chez lui.


2 ) Démonstrations du théorème
a ) première démonstration

Elle eut lieu ce soir-là et, euh... comment dire ? il y eut beaucoup de bi-rapports et pas beaucoup de droites projectives complexes. Au matin, heureux et confu, Steevy déclara qu'il n'avait jamais envisagé les mathématiques comme ça et que, s'il avait su, il aurait été beaucoup plus attentif à l'école, dans sa petite ville de Corncity, Oklahoma.

b ) deuxième démonstration

Elle n'eut malheureusement jamais lieu, car, quelques minutes après que Steevy eut prononcé ces Immortelles Paroles, Pepita Cardón Pérez, petite amie officielle du dit Juan Martín, entra chez lui sans crier gare et le trouva au lit avec son gringo : la notion de bi-rapport prit tout de suite une autre dimension. S'en suivit une scène tragique, où Pepita s'en prit violemment à son novio, Steevy à son sweet chick, ce dernier tout décontenancé par une telle intrusion de l'imprévu dans son champ d'expérience. Ces hôtes claquèrent la porte avec fureur et il ne les revit plus jamais, mais le scandal fut tel, en ville, qu'il s'embarqua le lendemain comme marin sur un conteneur à destination de Hong-Kong et renonça à jamais aux mathématiques.


3 ) Conclusions à tirer
a ) à propos de la droite projective complexe

Telle un mauvais génie, la droite projective complexe peut Planer Sur Votre Vie et vous apporter la poisse. Quant à la notion de bi-rapport, nous vous laissons libre de tirer vous-mêmes vos propres conclusions.

b ) à propos du concept d'homographie

Deux mots qui commencent par les quatre mêmes premières lettres ne signifient pas nécessairement la même chose, donc mieux vaut les lire jusqu'au bout : le concept de graphie n'est pas le même que celui de sexe.


Conclusion générale

Comme nous l'avions dit en introduction, le concept d'homographies de la droite projective complexe est bien difficile à déterminer : il est donc sans doute préférable d'être un vrai mathématicien pour en parler ; le risque est ( peut-être ) moindre de tomber dans des élucubrations plus ou moins "fantaisistes". Saluons quand même au passage la tentative d'appliquer la notion d'homographies de la droite projective complexe au politique, réalisée actuellement par un certain Nicolas S., résidant sur les Champs Elysées, qui réussit à en coller une aussi bien à la droite qu'à la gauche, avec beaucoup, beaucoup, beaucoup de bi-rapports et d'homographies.


Notes :

(1) Cf. les éminents travaux du non moins éminent Prof. Simone Ciciarenzo, en particulier Aristote, quello sopragenio, Milan, 1957.

(2) Cf. Pierre de la Roche y Citrón, Euclide visionnaire, Paris, 1844, notamment le chapitre XII "Euclide lisait l'avenir dans les feuilles de vignes".

(3) N'est bien sûr envisagé ici que le cas où le dit adversaire ne pare pas.

(4) De l'intérêt, donc, d'être ambidextre lorsqu'on veut faire carrière dans la boxe.

(5) Bah oui, c'est une droite toute bête ; c'est pour ça qu'on l'appelle droite projective simple !

(6) Rappelons qu' "homographie" signifie étymologiquement "même écriture, même représentation".

(7) Les deux paragraphes de cette sous-partie ont pour source directe le passionnant livre d'Helmut Schnitschnell Ügo von Knoffelspat und die Invenzion der Reicht Projektiv Komplex, Göttingen, 1995.

(8) Nous avons traduit le gain obtenu directement en monnaie d'aujourd'hui, pour plus de compréhension.

(9) C'est-à-dire plusieurs sacs Monoprix qu'il cousut ensemble et remplit tant bien que mal du sable trouvé dans un jardin d'enfant, jusqu'à ce que les gamins se mettent à hurler et qu'un père l'en chasse à coup de droites projectives simples.

(10) Notons que le sujet de la fresque qu'Ügo avait commencée avant d'avoir son Illumination était un autoportait en taille réelle, devant lequel Dédé se trouvait précisément.

(11) Car Dédé, sous l'effet de l'enthousiasme, s'était alors mis à taper des deux poings.

(12) Cf. II 3) Conclusions à en tirer ; Ügo + Dédé la Détente = 2, donc bi-rapport. CQFD.

(13) Cf. I 3) Homographies de la droite projective complexe. Je me permets ici de vous faire remarquer que, si vous avez besoin de lire des notes telles que celle-ci, c'est que vous n'avez vraiment rien retenu de ce que j'ai dit précédemment !

(14) Basil Bozirovsky, son biographe, dans Juan Martín Hernandez Carrera ( Moscou, 2004 ), raconte qu'il l'a interpellé en lui demandant aussitôt : « ¡ Hé, hombre ! ¡ Si tou veux, yé connais lé meilleur restaurant dé poisson dé la ville ! »